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Le patient de demain, acteur de son parcours de santé
oct. 01, 2019

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Article DH Magazine 157: Le patient de demain

Le Cercle Valeur Santé a lancé un manifeste pour rénover le modèle de santé français en s’inspirant de l’approche « Value Based Health Care » appliquée en Suède, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne, au Canada ou aux Etats-Unis. Le but : mieux soigner, à moindre coût, et dans le respect des attentes des patients.

Entretien avec Martine Aoustin, ancienne directrice de l’ARS Languedoc-Roussillon et le Professeur Patrick Pessaux directeur médical adjoint de l’Institut Hospitalo-universitaire de Strasbourg.


DH MAGAZINE : Pouvez-vous nous présenter l’approche du Cercle Valeur Santé ?

Martine Aoustin : Le souhait du Cercle Valeur Santé est de trouver une réponse aux défis, enjeux et contraintes économiques de notre système de santé. Parler de « Valeur en Santé », c’est trouver un modèle qui mette en regard les résultats qui importent aux patients et les coûts nécessaires à l’atteinte de ces résultats.

Pr Patrick Pessaux : Aujourd’hui, au sein du Cercle Valeur Santé, nous considérons le patient dans sa globalité en prenant en compte ses attentes en termes de soins mais aussi ses problématiques personnelles et professionnelles. On passe d’une logique de soins à une logique de santé. On doit adopter une perspective de long terme pour permettre au patient d’accomplir son projet de vie, une approche qui est encore nouvelle en France alors que l’explosion des maladies chroniques nous y oblige.

DH : Pouvez-vous nous donner un exemple d’un parcours de santé où le projet de vie du patient est pris en compte ?

M.A. – Prenons l’exemple d’une personne qui est atteinte d’un cancer du côlon. L’oncologue peut être amené à lui prescrire une chimiothérapie de 6 mois après l’intervention chirurgicale a n d’améliorer le taux de guérison. Mais cette chimiothérapie a aussi ses effets indésirables, qui sont connus comme, dans ce cas, la possible survenue de fourmillements à l’extrémité des doigts. Imaginons que ce patient soit musicien professionnel ou même amateur passionné, peut-être ne souhaite-t-il pas engager cette chimiothérapie mais plutôt un autre protocole pour 4 % de survie, au détriment de sa capacité à jouer ce qui aurait un impact psychologique très fort. Un patient acteur de son parcours de santé pourrait ainsi, en ayant toutes les clés en main, faire des choix qui lui correspondent et non suivre un protocole uniformisé.

Un autre exemple : Pour un enfant ou un adolescent qui souffre d’un diabète de type 1, l’un des indicateurs de bonne prise en charge concerne la capacité de suivre une scolarité normale, et pas uniquement la surveillance des constantes biologiques.
Ces attentes sont prises en compte maintenant par les équipes médicales. Dans la prise en charge « traditionnelle » du patient en France actuellement, ce projet de vie, ce ressenti du patient n’est pas suf samment partagé et pris en compte.

Pr P.P. – Il s’agit aussi d’optimiser le parcours de santé. En 2017, nous avons mis en place une nouvelle organisation du parcours du patient au sein de l’IHU de Strasbourg suite au constat et aux doléances de certains d’entre eux face aux multiples allers-retours à l’hôpital pour aboutir à terme une prise en charge. Nous avons organisé le parcours afin que soient concentrés tous les examens et consultations en une seule journée avec le radiologue, l’oncologue et/ou l’anesthésiste. Le soir, le patient repart désormais certes fatigué mais avec son diagnostic, ses examens et avec une date éventuelle d’opération.

Pour évaluer la pertinence de ce parcours et le ressenti des patients, nous avons établi un questionnaire, remis à chaque patient : 83 % d’entre eux étaient satisfaits !

DH : Mettez-vous en commun votre méthodologie avec d’autres professionnels de santé ?

Pr P.P. – Oui. Pour ce qui est du questionnaire sur le parcours du patient, des confrères m’ont demandé un exemplaire pour l’adapter à leur spécialité et à leur service. C’est en partageant et en échangeant que nous pouvons avancer. L’évaluation des résultats pertinents pour le patient se fait à travers de questionnaires standardisés. C’est sur ce même principe que nous nous sommes rapprochés de nos collègues hollandais qui ont débuté ces recueils standardisés obtenant une base de données, anonyme et gratuite, qui mesure, compare et organise ce type de résultats. C’est une idée qui m’a séduite mais je n’ai pas trouvé d’équivalent en France. Si l’on veut améliorer nos résultats et ceux des patients, il faut les mesurer pour avoir conscience de nos forces et faiblesses et ainsi progresser. En Hollande, une partie de ces données est accessible au public afin qu’il puisse, lui aussi, comparer les résultats des services et ainsi faire son choix en toute transparence. Ce serait bien d’étendre ce modèle à nos établissements.

DH : La mise en place du parcours patient « optimisé » est-il nancièrement tenable ?

Pr P.P. – Effectivement, le système actuel rémunère à l’acte et non au parcours de soins. Pourtant, quand je vois trois fois le patient au sein de cette journée je ne lui facture pas trois consultations ! Nous pensons qu’il est essentiel et urgent de valoriser ce parcours.

M.A. – La prise en charge financière d’un parcours nécessite de définir une durée. Sans doute plus facile en chirurgie en incluant les périodes préopératoire, opératoire, post-opératoire avec un délai spécifique à la pathologie, voire l’inclusion des réhospitalisations sous certaines conditions... Le sujet est comme souvent plus complexe en médecine. Nous réfléchissons à d’autres pistes au sein du Cercle Valeur Santé. Grâce à la diversité de nos profils, professionnels de santé, économistes, payeurs et patients, nous avons une vue globale sur le système de santé et une richesse dans notre capacité de propositions.

DH : Comptez-vous présenter cette réflexion sur le nancement au parcours plutôt qu’à l’acte aux autorités ?

M.A. – Oui, cela est prévu. Il est essentiel d’impliquer les décideurs si nous voulons avancer dans nos projets.

DH : Le patient de demain est aussi un patient connecté. Quelle place accordez-vous aux nouvelles technologies dans le domaine de la prise en charge et du suivi du patient ?

Pr P.P. – Les nouvelles technologies comme les objets connectés peuvent améliorer sensiblement le suivi des patients. C’est le cas par exemple dans le suivi des patients atteints d’un cancer. Mais les objets connectés sont confrontés aux difficultés de leur évaluation pour obtenir un remboursement par la Sécurité Sociale. Il manque un nancement dédié et adapté. Par ailleurs, ces nouvelles technologies ont des cycles de renouvellement très court (deux ans environ), trop court pour être évaluées par des essais cliniques qui prennent environ cinq ans. Le recueil des données importantes pour les patients permettraient d’analyser au fil de l’eau les effets de l’implémentation d’une nouvelle technologie, ou d’une nouvelle organisation.

M.A. – La technologie permet au patient d’être acteur de son projet de santé et des contraintes liées. Dans le cas de la prise en charge de l’obésité par exemple, le patient peut ainsi suivre son poids, les conseils nutritionnels ou ses rendez-vous médicaux grâce à ces objets connectés. Les résultats obtenus le responsabilisent. Mais nous voulons aller au-delà en co-articulant ce modèle avec les coûts engagés. Dans ce même exemple, celui de la chirurgie bariatrique, l’adhésion du patient aux contraintes notamment nutritionnelles en post opératoire est fondamentale. Un suivi de ces éléments via des instruments connectés permet au patient comme à l’équipe médicale un suivi et un engagement fort dans la prévention des complications. C’est un élément majeur qui au-delà de l’objectif prioritaire de réussite du projet de soins, se traduit par un moindre coût.
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