Si la dernière vague de l’épidémie de Covid-19 s’essouffle, les hospitalisations de patients atteints de Covid-19 – notamment les plus âgés - n’ont jamais cessé. C’est à ce titre que les résultats de l’étude COVIT-TRIAL, promue par le CHU Angers et labellisée priorité nationale de recherche par l’État, représentent un levier pour les soins des patients âgés à risque élevé de décès. COVIT-TRIAL, dont les conclusions sont publiées dans la revue scientifique Plos Medicine ce mardi 31 mai 2022, montre avec un très haut niveau de preuves l’intérêt d’une forte dose de vitamine D, administrée dans les 72h du diagnostic de Covid-19, aux personnes âgées fragiles qui ont contracté l'infection. Les résultats rapportent une réduction significative du taux de décès chez les patients ayant reçu une forte dose de vitamine D par rapport à ceux ayant reçu une dose standard de vitamine D. Neuf hôpitaux français et leurs EHPAD ont participé à cette étude initiée par le Pr Cédric Annweiler, chef du service de gériatrie du CHU d’Angers.
La vitamine D, hormone naturelle, est connue pour ses effets sur le métabolisme du calcium et le risque de fracture, mais aussi pour ses
propriétés anti-inflammatoires dans les maladies infectieuses et cancéreuses
. Elle permet par exemple de prévenir les infections respiratoires hivernales, ce qui avait été observé bien avant l’ère Covid-19.
« Nous avons appris assez rapidement pendant la première vague de la pandémie de Covid-19 que le SARS-CoV- 2 (coronavirus 2) entraîne une dérégulation du système rénine-angiotensine via le récepteur ACE2, porte d’entrée du virus dans l’organisme, provoquant un risque de réactions inflammatoires en chaîne (« orage cytokinique ») et un risque de syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) souvent fatal. Or, la vitamine D a des effets anti-inflammatoires reconnus et participe à la régulation du système rénine-angiotensine. C’est pourquoi nous avons rapidement imaginé, dès mars 2020, que la vitamine D pourrait aider à lutter contre les formes graves de Covid-19 », se rappelle le Pr Cédric Annweiler.
Examiner l’efficacité de la supplémentation en vitamine D, la tolérance et la mortalité
L’étude COVIT-TRIAL est donc lancée en avril 2020, durant la première vague Covid-19, avec l’appui de la Direction de la Recherche et de l’Innovation du CHU d’Angers.
Cet essai multicentrique, randomisé, contrôlé, en intention de traiter avait comme objectifs principaux :
260 patients inclus en France
260 patients sont alors inclus entre avril et décembre 2020 (avant l’arrivée des vaccins en France) par les
9 centres français participants (les CHU d’Angers, Bordeaux, Limoges, Nantes, Nice, Saint-Etienne, Tours, et les CH du Mans et de Saumur) et dans les EHPAD dépendants de ces établissements.
Leur profil ? « Soit des patients âgés de 65 ans et plus atteints de Covid-19 avec des critères d’évolution défavorable (notamment une oxygéno-dépendance), soit des patients âgés de 75 ans et plus atteints de Covid- 19 sans autre facteur de risque », précise le Pr Cédric Annweiler.
Ces patients étaient alors répartis au hasard en 2 groupes :
Investigateurs et patients savaient quel traitement était administré. En parallèle de l’étude, tous les patients ont bien sûr continué à recevoir, dans les deux groupes, les meilleurs soins connus de la Covid-19 (corticoïdes, oxygène, etc.).
Une efficacité de la vitamine D démontrée dès le 6e jour du traitement sur la mortalité
Par rapport au groupe « Contrôle », l’administration de la forte dose de vitamine D dans le groupe « Intervention » a été à l’origine d’une réduction importante et statistiquement significative du risque de décès, et ce dès le 6e jour après le début du traitement c’est-à-dire au moment où l’orage cytokinique est susceptible d’aggraver la maladie.
« Ce résultat est important et cohérent avec ce que nous savions des effets anti-inflammatoires de la vitamine D, en réduisant très significativement le risque de décès à 14 jours, et en évitant manifestement l’emballement inflammatoire et l’orage cytokinique observés dans les formes graves de Covid-19 », observe le Pr Cédric Annweiler.
Cette supériorité d’efficacité de la forte dose de vitamine D perdure effectivement sur la mortalité, toutes causes survenues, dans les 14 jours (critère de jugement principal) sans entraîner plus d’effets indésirables que la dose standard.
À noter que des analyses secondaires montrent une diminution de l’efficacité à 28 jours, ce qui pouvait être attendu compte tenu de la durée de vie de la vitamine D prise en une dose unique en tout début d’évolution de la maladie. L’efficacité d’un traitement d’entretien continu (supplémentation en vitamine D quotidienne ou hebdomadaire) suivant la première prise fera l’objet d’une nouvelle étude.
Les recommandations des auteurs
En tant qu’adjuvant aux traitements standards de la Covid-19, l’administration précoce (dans les 72 h qui suivent le diagnostic) de vitamine D à forte dose constitue un traitement simple et sécure qui démontre son intérêt pour éviter les formes graves de Covid-19 chez les personnes âgées confrontées à l'émergence de nouveaux variants et au risque d’échappement immunitaire.
À l’issue de l’étude COVIT-TRIAL, les auteurs recommandent vivement d’atteindre le plus rapidement possible un statut satisfaisant en vitamine D chez les personnes âgées atteintes de Covid-19, en recourant à une supplémentation en vitamine D à forte dose dès le diagnostic de Covid-19 posé.
Comment la vitamine D peut-elle avoir un effet sur la Covid-19 ?
La vitamine D est une hormone sécostéroïde. Elle est capable d'activer ou de réprimer plusieurs dizaines de gènes, et peut ainsi théoriquement prévenir et/ou améliorer les formes graves de Covid-19 en :
(utilisé par le SARS-CoV-2 pour infecter les cellules hôtes) et en réprimant la synthèse de la rénine. L'ACE2 a des effets protecteurs contre l'inflammation dans plusieurs organes, dont les poumons. Au cours de la Covid-19, la régulation négative de l'ACE2 par le SARS-CoV-2 entraîne une réaction inflammatoire en chaîne, appelée orage cytokinique, qui peut se compliquer d'un syndrome de détresse respiratoire aigu avec un risque élevé de décès.
La vitamine D, une expertise angevine
Il y a plus d’un an déjà, le 8 janvier 2021, 73 experts réunis autour du Pr Annweiler et du Pr Souberbielle
co-signaient un article de consensus dans La Revue du Praticien soutenu par 6 sociétés savantes nationales françaises. Ils appelaient à s’assurer que toute la population française ait un taux satisfaisant de vitamine D dans le double contexte de la pandémie de Covid-19 et de la période hivernale au cours de laquelle les taux de vitamine D diminuent naturellement.
Un nombre croissant d’études scientifiques montraient déjà à l’époque que la supplémentation en vitamine D (sans remplacer la vaccination) contribuait à prévenir le risque de formes graves de Covid-19 et de passages en réanimation liés à ce virus.
Les résultats publiés de l’étude COVIT-TRIAL confirment désormais, avec un niveau de preuve élevé, l’efficacité de la supplémentation en vitamine D à forte dose sur la réduction du risque de décès chez les personnes âgées ayant contracté l’infection.
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